« La vie vaut-elle la peine d’être
vécue? » C’est une question grave que ce père de famille adresse au
journaliste de la radio moto Butembo-Beni, alors qu’ils constataient
impuissamment ce mardi 24 novembre la continuité des tueries que subit la
population à l’Est de la République Démocratique du Congo. Lors de mes vacances
l’Été dernier au Congo, une de mes grand-mères m’avait exprimé son choix de
mourir par fusil comme ils en étaient déjà habitués. Une autre encore aurait
demandé au gouvernement de permettre que chaque mort soit enterré dans un
cercueil. La lutte n’est plus de vivre ni de survivre… la lutte est ailleurs,
la lutte est dramatique. Le débat se pose désormais sur le « comment mourir»,
le « comment il faut être mis en terre. » De toute façon, on est déjà mort ! La
vie ne compte plus. La vie ne convient plus à l’humain. Si tel est le cas, à
quoi bon vivre, murmurait ce père famille… Les atrocités sont éminemment graves
si bien que le lecteur ou la lectrice de ces phrases peut penser à une
exagération de la part de celui écrit. Et pourtant, je ne vous ai pas parlé du
viol, des enlèvements, du pillage… Croyez-moi, il n’y a rien d’exagéré. Mes
phrases sont d’ailleurs adoucies. J’ai pensé tout simplement vous partager
quelques inquiétudes que vivent les humains de l’Est du Congo, d’où je suis
originaire. Je suis conscient que chaque petit geste compte beaucoup :
juste partager l’information de cette femme violée plusieurs fois, de ces plus
de 500 familles qui ont assisté timidement à l’égorgement de leurs frères ou
sœurs, de ces plus de 800 personnes portées disparues… Avant, j’étais gêné de
vous en parler car vous avez aussi d’autres problématiques mais à d’autres
niveaux. Cependant, il me semble que le temps est venu de briser le silence.
Une fois le silence sera brisé, je m’imagine qu’il sera normal de se défaire
des grands discours pendant que les morts sont enterrés chaque jour dans une
fosse commune. Je pense que le temps de faire des discours sur la souffrance,
sur les réfugiés, sur les femmes violées devient de plus en plus révolu… Car,
tant qu’on aura peur de l’autre, parce qu’on veut sauvegarder son propre
confort, il semble qu’on sera toujours à l’aise de parler sur la souffrance, sur le
viol, sur la mort de
l’autre. Et pourtant, l’autre existe, l’autre partage avec moi les mêmes
racines humaines, l’autre existe indépendamment de son viol, de sa guerre ou de
toutes sortes d’atrocités qui apparemment semblent le définir. N’est-il donc
pas urgent de parler aux femmes violées que de faire une conférence sur le
viol, de parler à ce père de famille qui pleure ses enfants égorgés que de
faire une conférence sur les tueries dans le pays du sud… Et cette structure du
raisonnement peut s’étendre aussi sur la problématique de l’heure : les
réfugiés.
Fr. Gaston Mumbere, a.a.
Prêtre assomptionniste
Fr. Gaston Mumbere, a.a.
Prêtre assomptionniste
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