lundi 21 mars 2016

Ce pays qui assassine ses prêtres !



Il s’agit de la République dite Démocratique du Congo. Le pays qui enterre chaque jour ses enfants arrachés à la vie à coup de machette. Le pays qui viole et tue, pas simplement « la femme » mais aussi la matrice même de la vie. Un pays qui nie la vie ! Il faut le crier haut et fort. Ne jamais se taire devant cette ignominie tragédie. Alors jamais. C’est ce qu’avait compris le Père Vincent Machozi, prêtre Assomptionniste. Je le dis au passé, parce qu’il vient d’être assassiné dans la nuit 20 mars 2016… Paix à son âme ! Mes sincères condoléances à sa famille biologique ainsi qu’à toute la famille des Augustins de l’Assomption, dite « assomptionnistes » dont je suis membre. Ce forfait survient pendant que les assomptionnistes cherchent encore ardemment à savoir ce qui est arrivé aux pères Jean-Pierre, Edmond et Anselme, tous assomptionnistes kidnappés depuis bientôt trois ans. Aucune autorité gouvernementale ne veut initier l’enquête sur ces enlèvements des prêtres et des milliers de personnes. C’est le silence !

Au Congo il est interdit de parler… Le père Machozi vient d’en payer le prix. Comme pasteur, il a osé parler pour ces peuples meurtris dans l’insécurité totale imposée à l’Est du Congo. Je me souviens, il était la voix de ces femmes violées, de ces enfants égorgés de Beni, de lubero, du Kivu. À ce moment, il ne peut plus parler, car il est mort ! Pas tout simplement mort, mais assassiné. Trop, c’est trop ! Ce sang qui coule sur ce sol de nos ancêtres est rouge. En marchant, nous le piétinons. Il coule en flot, et rend la chaussée glissante. Lorsqu’on y glisse, on perd l’équilibre… Il est donc impossible d’y marcher tous les jours sans ouvrir sa bouche, sans crier, sans parler…

Congolais et congolaises, le temps est venu de briser le silence ! Le destin de ce pays est désormais entre nos mains… Le Kivu n’est pas une jungle autant que je sache ! Ce n’est pas un abattoir des humains !

L’assassinat du père Machozi est symptomatique d’un mal profond dont il faut se débarrasser. Ils n’ont pas seulement tué un homme ! Ils ont surtout tué « le prêtre-pasteur qui parle ». Ils ont tué la parole ! C’est grave ! Sans peur, l’heure est venue de nous lever comme un seul homme, et de briser le silence. Il n’est plus temps de pleurer. Il n’est plus temps d’enterrer nos morts. Il n’est plus temps de réparer les femmes violées… Il est temps de sortir du bloc opératoire comme le soulignait ce médecin de Panzi. C’est tout simplement inacceptable ! Nous demandons des comptes auprès de ce gouvernement fantôme qui assiste paresseusement aux massacres du peuple qu’il est supposé gouverner… Nous demandons l’ouverture d’une enquête internationale de nos frères et sœurs qui sont tués. Ils sont nombreux : plus de 8 millions. Cependant, ce n’est pas à cause de ces données statistiques alarmantes qu’il convient d’ouvrir le tribunal pour ces génocidaires au Congo. Derrières ces chiffres il y a des humains. Derrières ces chiffres il y a le père Machozi… 

Je garde des bons souvenirs lors de son passage à Québec. Nous avons mangé ensemble pourtant ??? Maintenant tu es tué. Prie pour le Congo, prie pour le Kivu, prie pour Beni-Lubero, ce coin du pays qui t’a vu naître et qui témoigne aujourd’hui de ta mort. Que cette terre de nos ancêtres te soit douce. Seule ta prière peut essuyer mes larmes… Que dire encore ?   

Frère Gaston Mumbere, a.a.

mercredi 2 mars 2016

Ce n’est pas du cinéma, ni du théâtre !


Au cinéma comme au théâtre, les acteurs jouent des rôles que l’auteur attribue aux personnages. Ces acteurs incarnent même des rôles les plus dramatiques que l’humain ne saurait vivre au quotidien de sa vie… Lorsqu’on regarde ce qui se passe du jour au lendemain à l’Est de la République dite Démocratique du Congo, on se croirait devant un écran du cinéma qui défile un film dramatique. On se croirait en train de regarder une pièce de théâtre qui interprète les récits tragiques de la mort des humains.

En saisissant ces quelques mots infirmes, les larmes coulent en même temps de mes yeux. Les larmes de sang ! Cette femme n’a plus de voix pour pleurer ses enfants égorgés. Elle sanglote péniblement tout au long du reportage réalisé par les journalistes de la Radio Moto d’Oïcha. «Des hommes armés ont massacré, dans la nuit de dimanche à lundi 29 février 2016, plus de 11 civils à Ntombi, une localité située à environ 5 Km au nord-ouest de Mayimoya dans le groupement Bambuba Kisiki en territoire de Beni. »

Mes chers lectrices et lecteurs, ce n’est pas du cinéma ni du théâtre. C’est vrai ! Je ne sais plus comment exprimer cette réalité cruelle. Elle prend désormais des proportions inimaginables. Oui, c’est vrai, des femmes sont violées et tuées. Oui c’est vrai des enfants sont égorgés… Chaque jour on enterre des morts. Chaque jour… Comment faut-il le dire encore ? Comment faut-il pleurer encore ? À qui pourrait-on crier notre souffrance… À qui ?

C’est vrai ce que vous suivez sur les réseaux sociaux. Il n’y a rien de montage ! Ces images sont crues, mais elles disent vrai. Mais jusqu’à quand allons-nous continuer à les voir ? Serait-il devenu normal de les voir ? Ou normal de tourner vite la page qui publie ces images ? Les hurlements de cette dame qui pleure ses enfants égorgés m’explose le cœur ! Quelle mère trouverait un sens à la vie après un tel forfait… Égorger les enfants, un à un devant les yeux de leur mère. Comment rester silencieux devant ces atrocités… Silencieux aujourd’hui ! Et demain, les massacres continuent. L’Est du Congo est devenu une jungle… On ne vit plus.

À qui faut-il demander de l’aide ? Lectrices et lecteurs vous êtes nos ambassadeurs auprès de ceux qui gouvernent le monde… Seriez-vous à l’aise de parler pour cette femme dont les enfants sont égorgés. Seriez-vous à l’aise d’envoyer cette lettre aux autorités qui peuvent parler pour ces hommes et femmes supprimés de la terre des vivants ? C’est vraiment urgent, autrement le nombre des morts devra s’alourdir à tel point que leur odeur nauséabonde nous parviendra. Et d’ailleurs ce n’est pas le nombre qui compte ! Faudrait-il attendre qu’il y ait des milliers de morts pour intervenir ? Il me semble que l’intervention n’est pas conditionnée par des données statistiques… La mort, l’incendie des maisons, le viol des femmes, l’égorgement des enfants suffisent pour intervenir. C’est grave. Très grave même. Et c’est vrai…

Fr. Gaston Mumbere, a.a.