Lorsque le
mal ou la mort devient banal, il me semble qu’il y a urgence à se réveiller. Se
réveiller vraiment au-delà des lamentations, au-delà des discours sur les
morts. Ainsi le temps de s’apitoyer n’est plus à entretenir pour freiner le
carnage maintenant des enfants. L’heure est grave ! Qui peut encore se lamenter
ou s’apitoyer ou exprimer des vœux pieux pendant que les enfants sont égorgés ?
L’autre est en situation de danger de mort ! Cet autre, mon frère ou ma sœur en
humanité se trouve pour le moment au
Congo, en territoire de Beni. On parle de plus de 8 millions de personnes tuées
par la guerre du Congo ! Oui, c’est juste 8 millions !!! Faudrait-il toujours
évoquer ce chiffre pour sensibiliser le gouvernement congolais aux problèmes du
Congo ? Faudrait-il toujours évoquer les 600 personnes égorgées depuis octobre
2014 dont les enfants, pour sensibiliser la communauté internationale aux
massacres du Congo ?
Il me semble
que le massacre au Congo ne tue pas seulement les peuples congolais. C’est
l’humain en tant qu’humain qui est bafoué et détruit. Lorsqu’on viole une même
femme plusieurs fois, ce n’est pas le plaisir qui est recherché… c’est plutôt,
me semble-t-il, l’être de la femme qui est bafoué. Cet « être » de femme
déborde les frontières géographiques de ce pays dit, démocratique. Dans cet esprit,
je peux alors continuer à écrire et partager la peine des parents de cet enfant
égorgé par un autre « son semblable ». Il n’y a jamais eu de funérailles ni de
deuil pour cet enfant.
Et voilà que
le gouvernement congolais souhaite organiser des pourparlers avec les parents
des enfants égorgés ! Je pense que personne n’est contre le dialogue. Le vrai !
Car, le dialogue peut être confondu avec la négociation où on cherche des
compromis et des accords. Le dialogue peut aussi être confondu avec le débat où
on cherche un gagnant et un perdant. Le dialogue peut être encore confondu avec
une conversation qui n’engage personne… La situation telle qu’elle se présente
actuellement ne semble donc pas appropriée à ce genre d’exercice pourtant noble
de la démocratie. Les participants ne sont pas crédibles aux yeux de cette
femme violée. Et d’ailleurs cette dernière n’y est pas invitée. Les invités au
fameux dialogue sont le gouvernement et des opposants. Ce sont des instances.
Or les instances ne peuvent pas dialoguer de même qu’il est impossible entre le
christianisme et le bouddhisme. Les « isme » ne dialoguent pas. Le dialogue est
seulement possible entre un chrétien « x » et un bouddhiste « y ». L’un ne
cherche pas un accord, ni une conciliation par un compromis. Nous souhaitons que
ce dialogue cherche une meilleure compréhension de l’histoire de l’autre…Il
s’agit de chercher à comprendre ce qui
fait vibrer celui ou celle qui est devant moi…
Pour le
moment ce genre d’exercicee semble une illusion dans ce pays qui égorge ses
enfants. L’urgence est ailleurs : Enterrer les cadavres qui gisent sous le
soleil de Beni, arrêter les massacres, initier des enquêtes indépendantes et
internationales, libérer plus de 800 personnes kidnappés (dont 3 prêtres
assomptionnistes) depuis 3 ans, sécuriser les populations et leurs biens, etc.
Et redonner à la mort son statut de sacré. Ceux qui connaissent l’un ou l’autre
membre à même de nous sortir de ce massacre peuvent librement lui partager ce
cri de souffrance. Ensemble nous pouvons faire la déférence.
Fr. Gaston
Mumbere, a.a.