Il ne s’agit pas de réveiller le
chat qui dort ! Il est de notre devoir d’honorer la mémoire des innocents qui
ont péri dans une des pires barbaries de l’humanité. Honorer la mémoire est
tout à fait naturel. Cependant, ce geste est aussi un appel ardent pour la
justice dans ce pays où l’humain subit la mort de la part des géants, car l’impunité,
la corruption pèsent lourds sur la justice… La mémoire de plusieurs morts
soulignée à partir de ces lignes infimes est un cri du cœur pour la justice
tant attendue depuis plus de vingt ans de servitude. Plus de 8 millions de
morts ! Le chiffre est accablant… Mais la justice n’est pas réclamée à cause de
ces données statistiques alarmantes. Elle n’appartient pas aux chiffres (8
millions) ni aux numéros. Elle est le droit fondamental des femmes et des
hommes.
Il serait intéressant d’écrire
une page des noms de tous ces innocents des violences de tous genres commis au
Congo. Ces morts ne sont pas un chiffre. Ils ont chacun et chacune un nom !
Pour le moment, ce travail de recension et de nomenclature dépasse nos
compétences. Nous le soumettons aux chercheurs avertis. Indiquons en même temps
que le « retour sur les massacres de grande envergure de Beni » ne sera pas
exhaustif. Nous aurions aimé entrer dans les détails des faits : donner
les noms, les dates, les images et les modes d’opérations… Ces genres de travail existent – bien que
modestement – et nous en félicitons les
initiateurs.
Ces paragraphes qui sont les
nôtres plaident tout simplement pour la mémoire et la justice. Ils appellent
inlassablement à Voir, à Juger et à Agir. Le dernier massacre remonte au 16
juillet 2016, à Vemba, non loin de Mavivi en territoire de Beni. Il y a donc un
temps de répit car nous sommes le 29 juillet sans massacres. (Nous parlons ici
de massacres à la machette. Car, le territoire de Beni demeure jour et nuit les
lieux d’hostilités. Nous apprenons par exemple ce samedi 30 juillet
l’occupation de la ville d’Oicha par des milices non identifiées. Un affrontement
a eu lieu en pleine ville entre les militaires congolais et ces milices. Maison
brulée, biens pillés, et quelques blessés, tel est le bilan provisoire que
donnent les réseaux sociaux.) Le temps de répit dont il s’agit ici se réfère
seulement aux égorgements systématiques des populations. C’est ce temps
d’accalmie qui correspond aussi malheureusement au temps de discours
démagogiques de certains dirigeants… Ces discours distraient et offrent des
faux espoirs au peuple meurtri au risque d’oublier le sang des victimes qui
réclame « justice ».
Depuis le 2 octobre 2014, Beni
est devenu le symbole du chaos d’un gouvernement en péril. Des massacres, des viols, des enlèvements,
des villages incendiés, des assassinats se succèdent au vu et au su de ceux qui
sont censés sécuriser les citoyens. Le bilan est lourd comme le mentionnent
plusieurs organismes de droit de la personne. Beni est devenu le territoire le
plus arrosé par le sang de ses enfants égorgés ou assassinés. Avant, il n’est
pas épargné non plus, comme c’est le cas dans tout l’Est de la RD Congo, par
les guerres d’occupations massives de ses régions par les forces négatives
venant du Rwanda et de l’Ouganda. Le viol, le pillage de ressources minières,
les tueries au fusil y étaient monnaie courante. Les peuples ont essayé de
survivre pendant plusieurs années dans ce climat de terreur.
Cependant, ces deux dernières
années, la stratégie de terreur a pris un visage macabre qui ne peut laisser
indifférent même le cynique le plus sévère du monde : égorgement des
enfants, égorgements des femmes enceintes, égorgements des hommes devant leurs
enfants, égorgement des malades sur les lits des hôpitaux, etc. Qui peut se
taire devant ces atrocités ? C’est tout simplement étonnant de remarquer le
silence de ceux qui ont le pouvoir d’arrêter ce carnage. Le silence même devant
la mort des hommes influents aux yeux du gouvernement : Le colonel Mamadou
Ndala, le général Lucien Bahuma, le père Vincent Machozi et bien d’autres. Le
silence a aussi gagné sur l’enlèvement de trois prêtres assomptionnistes
(Jean-Pierre, Anselme et Edmond), kidnappés depuis le 19 octobre 2012. Le
silence a donc érigé son mur de terreur. Entre temps les villages, les cités ou
localités de Ngadi, d’Eringeti,
Mavivi, Mbau, Oicha, Aili, Mamove, Katimadoko, Munzabaye, Kasinga, Buili,
Kokola, Mayimoya, Kainama, Malibo, Kambi ya miba, Sulungwe, Mukida, Mabuo,
Mongomongo, Malolu, Tipiomba, Ontoto, Linzosisene, Mukoko pleurent leurs
morts.
Certaines cités ont été même incendiées… Au cœur de toutes ces barbaries se trouve le
coltan, minerai indispensable pour les appareils dits « intelligents ». Les
habitants, en retournant dans leurs villages, constatent tout simplement les
marques d’exploitation des minerais sur leurs terrains. L’opération consiste
donc à terroriser les villageois pour qu’ils abandonnent leur terre aux
exploiteurs. S’ils résistent, ils courent le risque d’être égorgés.
À qui profitent ces crimes ?
C’est la question qu’on essaie t’étouffer pendant ces années de carnage dans le
territoire de Beni. Le gouvernement du Congo, par la voix de son porte-parole,
se contente d’attribuer ces tueries, surtout lorsque le peuple lui demande des
comptes, aux milices « ADF-Nalu ». Pourtant plusieurs rapports indiquent que
ces ADF n’existent quasiment plus. Leur chef, Jamil Mukulu est d’ailleurs sous
les arrêts en Ouganda.
La logique ne tient pas la route.
Aucune explication ne peut prouver et attribuer la mort de plus de 2 mille
personnes de Beni à la milice « ADF-Nalu ». Et lorsqu’on ne veut pas pointer
les « ADF », le gouvernement ou ses partenaires choisissent le
silence. Aux yeux de plusieurs, ce silence n’est pas sain surtout pour un pays
doté de la 10ème puissance militaire africaine. Toutes ces analyses
indiquent un grand degré de complicité entre le gouvernement et les pillards du
Congo. Il est donc clair que les crimes du Congo ne profitent pas aux
congolais. Ils profitent plutôt au système formé de quelques individus :
les commanditaires, les sous-traitants et les exécutants.Voir- Juger- Agir !
Nous avons vu et juger. Le constat indique que l’Agir efficace réclame le
réveil du peuple. Il est celui à qui appartient le destin de ce pays. En se
réveillant, il est compétent et crédible à agir sur les exécutants qui, parfois, partagent le quotidien du peuple. C’est
ce réveil que réclame le sang de ceux qui ont péri dans les massacres de Beni.
Devant un gouvernement en faillite, le
peuple demeure la dernière ligne droite avant la descente en enfer. Il est
alors crédible à rendre justice tout en corrigeant les impunités qui ruinent
les institutions de notre cher Congo d’amour !
Père Gaston Mumbere,
Assomptionniste
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