Des images, des dates
et des discours. Enfin le silence !
Voilà ce qui rythme la vie des congolais et congolaises à l’Est de leur
pays. Encore des massacres ! C’est devenu un refrain quotidien. Des tueries, des viols, des massacres
imposent ce refrain pathétique dans le quotidien des kivutiens. Ce refrain
témoigne d’une certaine manière de l’écrasement et de l’impuissance d’un
peuple. Celui-ci ne sait même plus
comment enterrer ses morts. Il est vraiment écrasé. L’horizon de s’en sortir
semble bouché. Sous les yeux, il n’y a que des images, des paroles et des
dates. Ces éléments nous permettent tout simplement de faire un travail de
mémoire : honorer ces femmes, ces hommes et ces enfants que nous avons
connus. Leur sang est de grand prix à nos yeux. Le sang de ces martyrs est
aussi une semence qui aspire de toutes ses forces à voir se révéler chez les
humains le courage du « Non, c’est assez ! ». Si nous évoquons ici
quelques noms de ceux qui ont péri dans les massacres à l’Est du Congo, c’est
donc d’une part pour honorer leur mémoire, et d’autre part pour arroser la
semence du courage du «Non, on en a marre ! » chez les humains ; le courage de
construire ensemble la maison commune de la paix.
Les faits se donnent à
voir. Surtout lorsqu’on s’arrête à ce qui se passe dans le territoire de Beni.
Tout y est chaotique ! Plusieurs cris de détresse ont été adressés au
gouvernement central du Congo et à la communauté dite internationale. La
situation dégénère plutôt davantage. Dans ce cas, il revient au peuple de se
réveiller et de devenir « acteur » crédible pour la paix. Il devrait se méfier
lorsqu’il est présenté chaque fois aux yeux du monde dans des robes de victimes
pour qui, il faut avoir pitié. La dignité des humains est donc remise entre les
mains du peuple… C’est là même que la
démocratie puise ses forces. Le peuple est souverain pour valider ou désavouer
ses gouvernants. C’est son droit fondamental de choisir ses dirigeants d’après
les règles fixés par lui-même. Aucun dirigeant ne serait supérieur au peuple
qu’il est censé servir. Ce n’est pas une utopie bienheureuse. Et s’il arrivait
qu’il en soit ainsi, cette utopie est du moins « mobilisatrice ».
Ils sont nombreux à
avoir cru en cette utopie. Ils en ont payé le prix. C’est notamment le colonel
Mamadou Ndala. Ce jeune officier
incarnait l’espoir de tout un peuple. Il avait botté la milice du M23 hors du
pays. Oups ! Il est mort… Il fut sauvagement tué le 2 janvier 2014 en pleine
journée à Beni. On a les images et les dates. Les paroles aussi. Celles qui
nous intéressent sont celles du ministre congolais des Médias et porte-parole
du gouvernement : « Oui, malheureusement, à une dizaine de kilomètres de
Beni. Il est mort avec 2 gardes du corps. Le gouvernement s’incline devant la
mémoire d’un de nos meilleurs soldats d’élite» Le même jour et dans la précipitation, le communiqué
officiel avait attribué l'attaque à la roquette ayant tué l'officier aux
rebelles ougandais de l'ADF… [http://www.jeuneafrique.com/166331/politique/rdc-assassinat-de-mamadou-ndala-l-enqu-te-s-oriente-vers-la-piste-fardc/]
Des images, des dates et des paroles ! Et c’est tout. C’est le même scénario
qui va se répéter pour le successeur de Mamadou. « Le général-major Lucien Bahuma Ambamba, commandant de la 8e
région militaire (province du Nord-Kivu) est ‘‘décédé samedi 30 août 2014 à
Pretoria en Afrique du Sud de suite d’un Accident cardiovasculaire (AVC)’’, a
annoncé dimanche 31 août 2014 le porte-parole des Forces armées de la
République démocratique du Congo (FARDC).» On se contente d’un communiqué et
rien de plus.
Mamadou assassiné,
Bahuma victime d’un AVC seront remplacé par un officier controversé : le
général Muhindo Akili Mundos. Son règne coïncide avec les égorgements de Beni.
Un ancien ministre aux affaires étrangères l’avait même pointé du doigt sur les
ondes de la Radio France Internationale comme étant l’auteur des massacres à
Beni
[http://www.rfi.fr/afrique/20141025-adf-nalu-ancien-ministre-congolais-met-cause-haut-grade].
Ces accusations n’avaient malheureusement pas arrêté le carnage de benitiens.
Ce n’est qu’après plusieurs grognes que Mundos fut éloigné dans une autre
région militaire. Mais le pire était fait et il continue jusqu’aujourd’hui. Des
femmes sont violées, des enfants égorgés, des hommes enlevés. Quiconque ose
parler pour ces victimes subit le même sort. Le père Vincent Machozi, prêtre assomptionniste, a aussi
laissé sa vie dans la même région en conflit. L’indignation a cette fois-ci
atteint le monde et les réseaux sociaux. « Je suis Beni » est vite devenu le
mot-clé qui exprime le l’indignation du peuple souffrant à l’Est du Congo.
Certaines mobilisations et
manifestations furent réprimées par le gouvernementAu même moment, les
peuples de Mavivi, de Kibirizi, d’Éringeti n’arrivent pas à enterrer leurs morts
ni à les compter… Ils sont égorgés depuis près de deux ans non loin des
campements des forces de l’ordre. Les survivants n’ont que des images, des
dates et des discours. Ceux qui veillent sur la sécurité ne se manifestent pas
alors qu’ils sont gusto…
Cher gouvernement congolais, êtes-vous toujours apte et compétent pour entendre les cris
des humains à l’Est du Congo ? Si vous
êtes toujours compétent alors que vous n’agissez pas, la logique de la
complicité risque de vous voir accuser.
Père Gaston Mumbere, Assomptionniste
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