jeudi 28 juillet 2016

Ce pays qui assassine son peuple


Des images, des dates et des discours. Enfin le silence !  Voilà ce qui rythme la vie des congolais et congolaises à l’Est de leur pays. Encore des massacres ! C’est devenu un refrain quotidien.  Des tueries, des viols, des massacres imposent ce refrain pathétique dans le quotidien des kivutiens. Ce refrain témoigne d’une certaine manière de l’écrasement et de l’impuissance d’un peuple. Celui-ci  ne sait même plus comment enterrer ses morts. Il est vraiment écrasé. L’horizon de s’en sortir semble bouché. Sous les yeux, il n’y a que des images, des paroles et des dates. Ces éléments nous permettent tout simplement de faire un travail de mémoire : honorer ces femmes, ces hommes et ces enfants que nous avons connus. Leur sang est de grand prix à nos yeux. Le sang de ces martyrs est aussi une semence qui aspire de toutes ses forces à voir se révéler chez les humains le courage du « Non, c’est assez ! ». Si nous évoquons ici quelques noms de ceux qui ont péri dans les massacres à l’Est du Congo, c’est donc d’une part pour honorer leur mémoire, et d’autre part pour arroser la semence du courage du «Non, on en a marre ! » chez les humains ; le courage de construire ensemble la maison commune de la paix. 

Les faits se donnent à voir. Surtout lorsqu’on s’arrête à ce qui se passe dans le territoire de Beni. Tout y est chaotique ! Plusieurs cris de détresse ont été adressés au gouvernement central du Congo et à la communauté dite internationale. La situation dégénère plutôt davantage. Dans ce cas, il revient au peuple de se réveiller et de devenir « acteur » crédible pour la paix. Il devrait se méfier lorsqu’il est présenté chaque fois aux yeux du monde dans des robes de victimes pour qui, il faut avoir pitié. La dignité des humains est donc remise entre les mains du peuple…  C’est là même que la démocratie puise ses forces. Le peuple est souverain pour valider ou désavouer ses gouvernants. C’est son droit fondamental de choisir ses dirigeants d’après les règles fixés par lui-même. Aucun dirigeant ne serait supérieur au peuple qu’il est censé servir. Ce n’est pas une utopie bienheureuse. Et s’il arrivait qu’il en soit ainsi, cette utopie est du moins « mobilisatrice ».

Ils sont nombreux à avoir cru en cette utopie. Ils en ont payé le prix. C’est notamment le colonel Mamadou Ndala.  Ce jeune officier incarnait l’espoir de tout un peuple. Il avait botté la milice du M23 hors du pays. Oups ! Il est mort… Il fut sauvagement tué le 2 janvier 2014 en pleine journée à Beni. On a les images et les dates. Les paroles aussi. Celles qui nous intéressent sont celles du ministre congolais des Médias et porte-parole du gouvernement : « Oui, malheureusement, à une dizaine de kilomètres de Beni. Il est mort avec 2 gardes du corps. Le gouvernement s’incline devant la mémoire d’un de nos meilleurs soldats d’élite» Le même jour  et dans la précipitation, le communiqué officiel avait attribué l'attaque à la roquette ayant tué l'officier aux rebelles ougandais de l'ADF… [http://www.jeuneafrique.com/166331/politique/rdc-assassinat-de-mamadou-ndala-l-enqu-te-s-oriente-vers-la-piste-fardc/] Des images, des dates et des paroles ! Et c’est tout. C’est le même scénario qui va se répéter pour le successeur de Mamadou. « Le général-major Lucien Bahuma Ambamba, commandant de la 8e région militaire (province du Nord-Kivu) est ‘‘décédé samedi 30 août 2014 à Pretoria en Afrique du Sud de suite d’un Accident cardiovasculaire (AVC)’’, a annoncé dimanche 31 août 2014 le porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).» On se contente d’un communiqué et rien de plus. 

Mamadou assassiné, Bahuma victime d’un AVC seront remplacé par un officier controversé : le général Muhindo Akili Mundos. Son règne coïncide avec les égorgements de Beni. Un ancien ministre aux affaires étrangères l’avait même pointé du doigt sur les ondes de la Radio France Internationale comme étant l’auteur des massacres à Beni [http://www.rfi.fr/afrique/20141025-adf-nalu-ancien-ministre-congolais-met-cause-haut-grade]. Ces accusations n’avaient malheureusement pas arrêté le carnage de benitiens. Ce n’est qu’après plusieurs grognes que Mundos fut éloigné dans une autre région militaire. Mais le pire était fait et il continue jusqu’aujourd’hui. Des femmes sont violées, des enfants égorgés, des hommes enlevés. Quiconque ose parler pour ces victimes subit le même sort. Le père Vincent  Machozi, prêtre assomptionniste, a aussi laissé sa vie dans la même région en conflit. L’indignation a cette fois-ci atteint le monde et les réseaux sociaux. « Je suis Beni » est vite devenu le mot-clé qui exprime le l’indignation du peuple souffrant à l’Est du Congo. 

Certaines mobilisations et manifestations furent réprimées par le gouvernementAu même moment, les peuples de Mavivi, de Kibirizi, d’Éringeti n’arrivent pas à enterrer leurs morts ni à les compter… Ils sont égorgés depuis près de deux ans non loin des campements des forces de l’ordre. Les survivants n’ont que des images, des dates et des discours. Ceux qui veillent sur la sécurité ne se manifestent pas alors qu’ils sont gusto… 

Cher gouvernement congolais, êtes-vous toujours apte et compétent pour entendre les cris des humains à l’Est du Congo ?  Si vous êtes toujours compétent alors que vous n’agissez pas, la logique de la complicité risque de vous voir accuser.

Père Gaston Mumbere, Assomptionniste

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