Il y a des choses qui peuvent
prendre du temps à changer. Je pense au colonialisme, au chauvinisme, au
despotisme… On voudrait bien les éradiquer du coup du revers, car elles banalisent
la dignité de l’humain. Les efforts conjugués des uns et des autres ont permis
de manière progressive à soustraire ces maux – comme le racisme – de la culture
des hommes et des femmes qui ont accepté de vivre ensemble tout simplement
parce qu’ils sont « humains ».
Par ailleurs, il y a des choses
que les hommes peuvent changer au bout des quelques heures. Je m’adresse
principalement à mes compatriotes congolais qui ont des petites parcelles de
pouvoir dans ce grand pays. La réalité des massacres et de viols des femmes est
nue et têtue. Elle est le symptôme grave d’une malheureuse gestion de la chose
publique. Vous et moi, mettons souvent le « coltan » en ligne de mire pour
expliquer la cause principale de ce conflit le plus sanglant de ce siècle (8
millions de morts). Si ce n’est pas le « coltan et d’autres ressources minières
» qui nourrissent ces guerres, le gouvernement accuse désormais des
rebelles-islamistes et les présente aux yeux du monde comme des
boucs-émissaires alors que tout le monde reconnaît que les violences au Congo
n’ont rien à voir avec le « religieux ».
Finalement, la faute revient
uniquement aux autres : à l’Occident, aux multinationales, aux ressources
minières… J’avoue qu’il y a des choses qui demandent du temps. Cependant, il y
a d’autres qui dépendent beaucoup de la volonté, de la responsabilité et du
patriotisme des gouvernants. Toutes ces idées m’habitent activement au
lendemain du carnage de Beni du 13 août 2016 où 127 personnes furent sauvagement
égorgées. J’ai vu les vidéos-amateurs. Comme si ce n’était pas assez d’égorger
les gens, les agents de l’ordre tirent sur les manifestants qui expriment leur
ras-le-bol. J’ai revu ces mêmes gestes de ces agents de l’ordre ce dimanche 21
août lorsque les populations de Butembo s’insurgeaient contre le bus qui
débarquait des sujets rwandais sur le sol congolais. Et curieusement, ce bus
contenait des armes blanches qui égorgent les paisibles citoyens du Kivu.
Devant des telles situations, je pense que les « agents de l’ordre », des fils
et filles du pays n’ont pas le mandat de tirer en balle réelle sur les
manifestants. Ils ont le mandat d’assumer et d’assurer de l’ordre. Le peuple a
droit de demander des comptes. Le Congo n’est pas un théâtre où n’importe quel
acteur peut venir jouer ses cinémas. Il est un pays souverain doté des
institutions qui sont censées contrôler des aller-venus des visiteurs.
Ce travail ne dépend pas des
multinationales. Ce ne sont pas non plus les grandes-puissances (ceux qui ont
le droit de veto) qui viendront empêcher les policiers de tirer sur leurs
frères. Qu’on se tue ou pas, cela n’est pas le problème des pillards. Même si,
vous « agents de l’ordre », vous recevez le mandat de tirer sur la population
ou d’arrêter leurs leaders, sachez que cela paie à l’avantage des ennemis du
Congo. Ils vont bien sûr vous donner quelques miettes, mais au final, ces
miettes servent à tuer vos frères et sœurs de Beni. Il est toujours possible
d’organiser le pays autrement. Il est grand temps de changer les choses à notre
portée : arrêter de tirer sur les manifestants, arrêter de poursuivre les
leaders du changement, arrêter les couvre-feu masqué, et surtout organiser les
élections dans le délai constitutionnel et se désolidariser de l’ennemie
corrupteur. Car ni le pouvoir de coercition ni les armes ne sont porteurs des
lendemains heureux.
En terminant je donne la parole à
un de mes auteurs préférés : « Le droit établi par la violence sera
toujours l’injustice. Le bien établi par la ruse ou la contrainte sera toujours
le Mal. La société parfaite organisée dans le sang, même d’hommes coupables,
sera toujours une [prison]… » R. Coste dans Évangile
et politique, p. 300.
P. Gaston Mumbere, a.a.
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