lundi 29 août 2016

Beni : une parole au-delà des larmes !



Le lundi 29 août 2016, le Nonce apostolique du Congo est à Beni. Beni est maintenant connu, non pas à cause de sa chaleur humaine ni moins de son attrait touristique (parc national de Virunga, la neige éternelle du Mont Ruwenzori, etc.) ; mais Beni représente désormais aux yeux du monde le territoire parfait des atrocités (viols, égorgements, massacres, enlèvements…) que le Congo, dit démocratique, traverse depuis bientôt 21 ans.

Au bout de 20 ans, le peuple est ainsi laissé à son triste sort. Il essaie de se prendre en charge en organisant des manifestations ou des groupes de surveillance pour l’auto-défense locale. Quoi qu’il en soit, ce peuple est essoufflé par ces atrocités, conflits et insécurité qui perdurent de longues années. La société civile, les associations culturelles, les groupes de pressions, les activistes des droits humains, les journalistes indépendants, cherchent à comprendre le mobile de cette guerre et alertent, pour ce fait, ceux qui peuvent et doivent intervenir pour arrêter ces massacres aux allures génocidaires.

Ceux qui ont le pouvoir en place, ces décideurs politiques se caractérisent en même temps par une indifférence notoire à l’égard des massacrés. Ce gouvernement trouve même sa satisfaction dans la simplicité de propos moqueurs. Il va dire par exemple que les tueurs de Beni sont des islamistes alors que quelques semaines plus tôt il accuse des rebelles ADF-Nalu. Et lorsqu’il veut vraiment larguer son peuple, il l’accuse lui-même comme étant complice de son propre malheur : ce sont les congolais de Beni-Butembo qui s’entretuent !  Cette indifférence et, pendant plusieurs jours, ce silence béant nourrissent la thèse d’une grande complicité de ceux qui ont le pouvoir –qu’ils n’utilisent pas – avec les massacreurs à l’Est du pays.

Abandonnés par le pouvoir central – pourtant fort –, les congolais s’en donnent aux larmes. Ils appellent au secours comme des gens qui se trouvent dans les décombres tout en espérant que leur cri sera entendu par un agent de la Croix-Rouge ! Il était donc temps. Ces derniers massacres de Beni du 13 août 2016, où plus de 100 personnes furent sauvagement égorgées, ont choqué le Pape François. Il a dénoncé le silence honteux de la communauté internationale. Oui, nos larmes ont la même couleur. Et personne ne peut aimer lorsqu’on lui piétine les orteils. Telle peut être l’expérience qui soutient la compassion pour l’autre qui souffre. Mais pour le Pape, il n’a pas été seulement question de la compassion passive. Il s’est mis en mouvement vers Beni (Rwangoma) à travers son Nonce apostolique, Monseigneur Luis Maryano Montemayor… Ce dernier est allé directement au lieu des récents massacres et retourne chez lui le lendemain sans s’arrêter à l’évêché. La destination de son voyage était Beni (Rwangoma) devant cette maison où au moins 7 personnes furent égorgées. Tout est dit à partir de l’image : Le Nonce face au mur de la maison, la porte fermée en cadenas. C’est la mort qui plane!

C’est dans les profondeurs de ces horreurs de la mort que le Nonce délivre le message du Pape François à la population de Beni. « Ne vous laissez pas voler l’espérance ». L’espérance nous sort de la fatalité des choses. Elle indique au peuple congolais et à leurs amis, qu’il n’est jamais trop tard de changer et de croire à un Congo uni, prospère où il fait beau vivre… Ensemble, brisons le silence !

Père Gaston Mumbere, Assomptionniste

vendredi 26 août 2016

La tragédie de Beni



Article publié par benilubero.com

« La cloche ne sonnera plus à l’église de Butembo-Beni » : description de la tragédie de Beni par Père Gaston Mumbere.

Le Père Gaston Mumbere est un Prêtre Catholique de la Congrégation des Assomptionnistes. Originaire du Diocèse de Butembo-Beni, province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, Père Gaston se trouve actuellement aux Etats-Unis pour raison d’études. En dépit de la distance qui le sépare de son milieu natal, Père Gaston a gardé son cœur toujours tout près de ses frères et sœurs subissant un martyr atroce dans l’espace de Beni-Lubero il y a bientôt deux ans.
Dès lors, il n’a cessé de manifester sa solidarité envers sa base, non seulement comme signe de compassion, mais surtout comme preuve de partager pleinement leur souffrance.
Dans ce souci, il s’est souvent laissé emporter dans des multiples efforts intellectuels tenant lieu de ses contributions pour la reconquête de la paix en faveur de ses frères. D’où, son initiative à produire une série d’ouvrages au cri particulièrement pathétique, ayant la force de percer jusqu’aux cœurs les plus insensibles qu’on n’ait jamais connus, en s’orientant spécialement vers ceux-là qui détiennent une parcelle de pouvoir, d’autorité et de responsabilité dans la gestion de notre société.

C’est dans ce cadre que Père Gaston présente aujourd’hui « La cloche ne sonnera plus à l’église de Butembo-Beni ». Ce prêtre assomptionniste fait assez comprendre que chacun peut, à sa manière, aider à briser le silence sur les massacres à l’Est de la RD Congo, spécialement sur le génocide Yira à Beni.
Suivez la présentation de cet ouvrage sur Youtube, une entrevue avec la radio ville Marie de Montreal-Gaston Mumbere, à travers ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=j97KSYYZcmM&feature=youtu.be

dimanche 21 août 2016

Aux gouvernants patriotes congolais



Il y a des choses qui peuvent prendre du temps à changer. Je pense au colonialisme, au chauvinisme, au despotisme… On voudrait bien les éradiquer du coup du revers, car elles banalisent la dignité de l’humain. Les efforts conjugués des uns et des autres ont permis de manière progressive à soustraire ces maux – comme le racisme – de la culture des hommes et des femmes qui ont accepté de vivre ensemble tout simplement parce qu’ils sont « humains ».

Par ailleurs, il y a des choses que les hommes peuvent changer au bout des quelques heures. Je m’adresse principalement à mes compatriotes congolais qui ont des petites parcelles de pouvoir dans ce grand pays. La réalité des massacres et de viols des femmes est nue et têtue. Elle est le symptôme grave d’une malheureuse gestion de la chose publique. Vous et moi, mettons souvent le « coltan » en ligne de mire pour expliquer la cause principale de ce conflit le plus sanglant de ce siècle (8 millions de morts). Si ce n’est pas le « coltan et d’autres ressources minières » qui nourrissent ces guerres, le gouvernement accuse désormais des rebelles-islamistes et les présente aux yeux du monde comme des boucs-émissaires alors que tout le monde reconnaît que les violences au Congo n’ont rien à voir avec le « religieux ».  

Finalement, la faute revient uniquement aux autres : à l’Occident, aux multinationales, aux ressources minières… J’avoue qu’il y a des choses qui demandent du temps. Cependant, il y a d’autres qui dépendent beaucoup de la volonté, de la responsabilité et du patriotisme des gouvernants. Toutes ces idées m’habitent activement au lendemain du carnage de Beni du 13 août 2016 où 127 personnes furent sauvagement égorgées. J’ai vu les vidéos-amateurs. Comme si ce n’était pas assez d’égorger les gens, les agents de l’ordre tirent sur les manifestants qui expriment leur ras-le-bol. J’ai revu ces mêmes gestes de ces agents de l’ordre ce dimanche 21 août lorsque les populations de Butembo s’insurgeaient contre le bus qui débarquait des sujets rwandais sur le sol congolais. Et curieusement, ce bus contenait des armes blanches qui égorgent les paisibles citoyens du Kivu. Devant des telles situations, je pense que les « agents de l’ordre », des fils et filles du pays n’ont pas le mandat de tirer en balle réelle sur les manifestants. Ils ont le mandat d’assumer et d’assurer de l’ordre. Le peuple a droit de demander des comptes. Le Congo n’est pas un théâtre où n’importe quel acteur peut venir jouer ses cinémas. Il est un pays souverain doté des institutions qui sont censées contrôler des aller-venus des visiteurs.

Ce travail ne dépend pas des multinationales. Ce ne sont pas non plus les grandes-puissances (ceux qui ont le droit de veto) qui viendront empêcher les policiers de tirer sur leurs frères. Qu’on se tue ou pas, cela n’est pas le problème des pillards. Même si, vous « agents de l’ordre », vous recevez le mandat de tirer sur la population ou d’arrêter leurs leaders, sachez que cela paie à l’avantage des ennemis du Congo. Ils vont bien sûr vous donner quelques miettes, mais au final, ces miettes servent à tuer vos frères et sœurs de Beni. Il est toujours possible d’organiser le pays autrement. Il est grand temps de changer les choses à notre portée : arrêter de tirer sur les manifestants, arrêter de poursuivre les leaders du changement, arrêter les couvre-feu masqué, et surtout organiser les élections dans le délai constitutionnel et se désolidariser de l’ennemie corrupteur. Car ni le pouvoir de coercition ni les armes ne sont porteurs des lendemains heureux.

En terminant je donne la parole à un de mes auteurs préférés : « Le droit établi par la violence sera toujours l’injustice. Le bien établi par la ruse ou la contrainte sera toujours le Mal. La société parfaite organisée dans le sang, même d’hommes coupables, sera toujours une [prison]… » R. Coste dans Évangile et politique, p. 300.
P. Gaston Mumbere, a.a.

mercredi 17 août 2016

Les armes ne s’indignent pas : Beni-Lubero prêt au changement



Si les machettes qui égorgent les populations à l’Est du Congo étaient intelligentes, elles se seraient déjà révoltées contre leurs intéressés manipulateurs. En égorgeant les femmes et les hommes de Rwangoma, d’Eringeti, de Mavivi, ou de Kibirizi, ces machettes ne gagnent rien. Elles s’étonnent tout simplement que l’homme s’en sert pour égorger ses semblables. De même les marteaux s’étonnent. Pourtant, ces marteaux et ces machettes ne s’arrêtent qu’au niveau de l’étonnement ! Ils auraient aimé s’indigner,  car ils sont témoins d’horreurs et de cruautés que seul le manipulateur peut supporter à regarder. Ces machettes ont versé beaucoup de sang. Mais elles vont finir par être rouillées. Tel est le destin des métaux.

N’attendons donc pas que ces machettes s’indignent ! Elles ne peuvent même pas couper la main de ceux qui les utilisent et qui sont dotés d’une certaine intelligence se révélant corrompue et aveuglée par l’argent ou la drogue. Une intelligence droguée ou corrompue n’en est plus une. Elle n’a plus les facultés les plus nobles comme « l’indignation ou l’humanité ». Il n’y a plus de différence entre la machette et celui qui s’en sert. Ni entre l’arme du policier et l’homme qui l’utilise. Cet homme qu’on appelle « agent de l’ordre », parce qu’aveuglé et corrompu, sera toujours capable de tirer sur ses frères et sœurs qui manifestent.

Ces dirigeants, fils et filles du pays signent ainsi un pacte avec l’ennemi. C’est d’abord leur intérêt. La vie de leurs électeurs ne vaut rien à leurs yeux. Ils ne sont plus capables de s’indigner alors qu’on massacre leurs frères et sœurs à Beni. 127 morts d’un seul coup ! Un digne fils ou une digne fille du pays, vraiment patriote, devrait démissionner de ce gouvernement infanticide. Mais que voulons-nous qu’ils fassent s’ils ont leur morceau de viande dans la bouche ? Ils ne peuvent plus parler car leur bouche est pleine. Ils ont ainsi une dette morale à l’égard du corrupteur. 

Heureusement le peuple n’est pas dupe. Il a compris le jeu. Il a compris aussi que ni  les armes ni leurs utilisateurs ne peuvent s’indigner. Il veut alors un changement. Les manifestations au lendemain des massacres du 13 août à Beni témoignent bien de cette volonté du changement. Nombreuses personnes sont ainsi venues de quatre coins de Beni pour exprimer publiquement et officiellement leur indignation. Cet éveil du peuple est significatif pour un bon élan démocratique. Le peuple demeure donc la dernière ligne droite avant la descente en enfer. La marche de la paix de mercredi 17 août annonce en tout cas une volonté active du peuple à sauver sa démocratie. Les affiches des manifestants de ces jours ou des jours précédents sont très éloquentes à ce sujet : l’arrêt systématique des massacres, le retour dans leurs pays des militaires étrangers (ougandais et rwandais), la démission du gouvernement actuel, les élections dans le délai constitutionnel, le jugement de tous les auteurs des crimes et la traçabilité dans l’exploitation des ressources minières. Si les dirigeants actuels n’ont pas compris, les congolais sont désormais prêts à les aider à démissionner…

Trop c’est trop ! Le peuple détient le dernier mot… 

Père Gaston Mumbere, prêtre assomptionniste et membre du Mouvement Paix au Congo de Québec/Canada

dimanche 14 août 2016

Le sang arrose la ville de Beni : le peuple n’est pas dupe !



Chers gouvernants de la République dite Démocratique du Congo, 

Les massacres à l’Est du pays et plus précisément à Beni marquent et caractérisent votre mandat – si du moins on peut encore parler du mandat. Il n’y a pas de semaines qui passent sans que le sang inonde le territoire de Beni.  Encore un massacre vient d’avoir lieu ce samedi 13 août à Rwangoma (quartier périphérique de la ville de Beni où j’ai grandi). D’après benilubero.com, « plus de 50 personnes ont été égorgées sans aucun secours des forces loyalistes »…  À ce rythme, nous ne savons plus en quels mots de chair il faudrait encore vous parler. Les morts se comptent en millions. 8 millions. Avons-nous encore le droit de vous demander des comptes ? Le sang de ces enfants égorgés, de ces femmes violées et de ces hommes kidnappés que vous êtes censés protéger réclame justice.

Et si vous n’êtes plus capables à offrir des services les plus élémentaires à vos électeurs, il me semble qu’il est grand temps de démissionner avant que le pire n’arrive. Démissionner est un geste louable bien que certains élus le prennent pour une humiliation. Et si vous ne démissionnez pas le peuple devra bientôt vous aider à le faire. De la tête jusqu’au plus bas niveau des dirigeants, tout indique qu’il y a urgence à remplacer la classe politique qui détient actuellement le pouvoir en République démocratique du Congo par les patriotes congolais soucieux et dignes de ce nom. Dirigeants actuels, le peuple n’est pas dupe. Il vous observe et détient le dernier mot.

À Beni, il n’y a pas longtemps, le président en personne a promis réajuster le tir : la sécurité, les infrastructures et l’électricité. Il se révèle que le tir était ajusté ailleurs : les canons tournés vers le peuple pour alourdir les 8 millions de morts.  Si le Congo compte environs 70 millions d’habitants, il faut alors admettre que plus de 10% de la population congolaise a péri dans la guerre. Et chaque jour ce chiffre continue à croître. Les choses telles qu’elles se présentent poussent  le peuple à poser des questions graves à ses dirigeants : serez-vous des dirigeants des morts ou des cimetières ? Et vous refusez de diriger les morts du cimetière, que comptez-vous faire de ces régions inhabitées de l’Est du Congo ? Avez-vous un plan pour les repeupler autrement ?

En tout cas, le peuple congolais n’est pas dupe ! Vous pouvez bien lui promettre l’asphaltage de ses routes, l’électricité de ses villes, et la sécurité apparente de ses régions, mais tant qu’on ne lui dira pas les raisons de carnage en répétition, les vrais motifs de la présence des militaires ougandais et rwandais sur son sol, et la destination de ses ressources minières volées, les promesses du chef de l’État n’auront aucun effet.
Chers dirigeants congolais – si vous l’êtes encore –, comment pouvez expliquer que les massacres interviennent à Beni juste après le passage du chef de l’État – le garant de la nation et après sa collaboration militaire et diplomatique avec les pays voisins à l’Est pour l’aider à traquer les rebelles ADF-Nalu et FDLR ? Pensez-vous que le peuple est si naïf pour avaler cette pilule ?

Les populations de Beni-Lubero viennent d’enterrer beaucoup des morts, et c’est assez !

Père Gaston Mumbere, Assomptionniste et membre du Mouvement Paix Au Congo de Québec