« Un peu de répit avant le
prochain massacre. » Ces mots ont été exprimés dans une voix mélangée de
colère, d’impuissance et peut-être d’espérance par Alphonsine, la femme dont le témoignage
porte le malheur de tout un peuple à l’Est de la République dite démocratique
du Congo. C’était la veille de Noël, Alphonsine, commençait déjà à tourner les
pages rouges qui ont marqué sa région de Beni par les égorgements depuis plus
de deux ans. Elle vieillit et oriente déjà l’avenir des jeunes orphelins
rescapés des massacres dans les dialogues de Kinshasa. « Peut-être j’ai
fait une erreur d’y croire – croire aux dialogues – et d’y voir l’avenir pour
ces jeunes rescapés », disait mélancoliquement Alphonsine.
La mélancolie ! Oui, c’est le
sentiment qui habite les habitants du territoire de Beni qui pleurent les
victimes de la machette. 25 personnes ont été précipitées brutalement à la mort
le samedi 24 décembre. Comme Alphonsine, ces morts croyaient eux aussi aux
dialogues. Mais leur foi fait défaut. Ils ne pourront plus célébrer Noël ici
sur cette terre. Ils le feront peut-être là, loin des bottes où sont les autres
qui les ont précédés. Leur nombre grandit chaque jour. 1000 ? 2000 ? Ça n’a pas
d’importance ! Ils sont morts. Le plus important serait d’arrêter de compter…
Arrêter de compte! Oui… C’est un
impératif qui s’impose et dispose ceux qui font des calculs à s’occuper de ce
qui compte : la démocratie, la justice et la paix. Alphonsine s’étonne du
consensus, de l’accommodement, des compromis qui sont mis en place pour
encadrer le flou et le chaos dont les conséquences détruisent le tissu social,
politique et économique de ses petits-enfants. Elle leur demande de croire en
ce pays plein de potentiel et d’avenir… Mais pour le moment elle est à la
croisée de chemins. Au même moment, elle assiste aux dialogues de compromis et
aux massacres de ses proches.
Ce qui est sûr, Alphonsine n’a
plus d’arguments pour ses petits-enfants qui hésitaient à croire aux dialogues…
On leur demande de dialoguer pendant que les géants leur écrasent vifs les
orteils dans un silence du consensus national ou international.
N’est-il pas le temps de vivre
Noël pour vrai ? Se demande Alphonsine. C’est-à-dire vivre l’incarnation du
Verbe qui habite parmi nous. Du dialogue qui parle de la vie ? Du dialogue qui
parle de la réalité voilée de ce pays du Coltan. Car, et il faut le dire, le
maintien au pouvoir des dirigeants actuels au-delà de leurs mandats constitutionnels
se rattache en grande partie à l’exploitation de ressources minières de l’Est
du pays. Le manque de fonds pour organiser les élections n’est qu’une mascarade
– tout le monde le sait.
Pourquoi alors continuer à
négocier la transition pour un homme illégitime et même illégal au lieu d’exiger
son départ ? Les massacres de la veille de Noël seront-ils les derniers ? Ou
c’est juste un répit ?
Trop c’est trop ! Le peuple
souffre et la souffrance n’est pas leur destin. L’espoir se dessine dans
l’action, autrement le prix des haricots va continuer à grimper.
Gaston Mumbere
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